mercredi 9 décembre 2009

Chouchou…














Tout d’abord, il y a cette barbe. Une belle barbe, riche, généreuse. Une barbe unique. Aussi fournie fut-elle, cette barbe ne masqua jamais son sourire. Au contraire, elle l’accompagnait et le rendait plus visible encore. Cette barbe, elle pouvait parfois être touffue, mystérieuse, pleine de replis inaccessibles… et pourtant, elle a toujours été une barbe rassurante. Elle inspirait confiance.

Cette barbe c’était vraiment Claude.

Vous avez connu Papa. Vous l’avez rencontré quelquefois, ou côtoyé longtemps ; vous avez travaillé avec lui, vous avez partagé sa vie. Chacun de vous ici aujourd’hui aurait une histoire, une anecdote à raconter sur un moment ou un échange avec Claude. Et nous dirions tous : “C‘était bien lui”.

C‘était il y a près de trente ans. Papa se rend sur un de ses chantiers quelque part en France. Sur le bord de la route, un autostoppeur. Papa s’arrête, comme souvent. L’homme sort de prison, il y a passé plusieurs années. Un homme qui n’a jamais vu la mer, et qui rêve de la contempler, “pour de vrai”. Ce jour là, papa est bien arrivé à son rendez-vous. Mais auparavant, il avait fait un détour pour qu’un homme qu’il ne connaissait pas et qu’il ne reverrait pas puisse voir l’océan et être heureux, un moment .

Oui, Papa était comme cela. Toujours. Il n’avait pas peur des hommes. Il aimait son prochain, sans à priori. Il allait à la rencontre de tous les hommes. Nous qui sommes ici rassemblés pouvons en témoigner.

Il n’en tirait aucune fierté, n’en parlait pas. Il agissait, tout simplement, à sa façon, c’était pour lui une évidence.

D’où lui venait cet amour inépuisable ? Je ne crois pas que la vie l’ait toujours protégé, au contraire. Il a parfois souffert. Certains ont cru que cette gentillesse était de la faiblesse, ils en ont abusé. Pourtant Papa n’a jamais renoncé. Il n’a jamais cessé d’aimer, de croire en l’autre, de croire que de chaque rencontre pouvait surgir un répit, un moment de bonheur, une espérance, une joie.

Il n’a pas toujours été facile de vivre avec un époux ou un père si généreux pour les autres et pensant dans le même temps si peu à lui. Ses silences nous révélaient qu’il avait des soucis, ou qu’il était dans un monde auquel lui seul avait accès ; et nous n’en saurions pas plus.

Claude a donné sans compter toute sa vie.

Je crois que Papa avait encore beaucoup d’amour à donner.

À son épouse, à ses enfants, ses petits-enfants, à sa famille, à vous qui étiez chaque jour à ses côtés, à vous qui êtes ici aujourd’hui.

Il a aimé sans compter, sans s’économiser.

Il venait d’avoir 64 ans.

Pourtant, cet amour n’est pas mort avec lui. Au contraire. Nous avons été les témoins de cette générosité, de cette inébranlable ouverture aux autres et au monde. Si comme lui nous n’avons pas peur, si comme lui nous aimons sans réserve, alors Papa sera toujours vivant, alors il continuera à vivre un peu en nous.

Mathieu Laubeuf